Echiquier politique. Que reste-t-il de l’opposition ?
Démunis, éparpillés, les adversaires du président camerounais Paul Biya pourraient ne pas lui offrir une trop grande résistance lors de la présidentielle du 07 octobre 2018. Entre plateforme déjà en place autour de certains leaders et négociations en cours, certaines formations politiques cherchent encore la voie du consensus.
Marlyse ABENG
Au Cameroun, l’opposition n’arrive pas à taire les ambitions personnelles des uns et des autres au profit d’un regroupement « pour le bien et l’intérêt des populations ». Aucun leader de ces partis d’opposition ne doute d’avoir l’étoffe d’un homme d’État. Pourtant, démunis, éparpillés, les adversaires du président camerounais Paul Biya pourraient ne pas lui offrir une trop grande résistance lors de la présidentielle du 07 octobre prochain. A titre d’illustration, certains leaders n’arrivent pas à se mettre d’accord pour une possible coalition derrière Akere Tabeng Muna du mouvement « Now ». Maurice Kamto du MRC par exemple, qui a déposé son dossier de candidature le 13 juillet dernier, se présente comme le « meilleur tireur de pénalty qui permettra à l’opposition de marquer le but victorieux contre Paul Biya ». Au SDF, Joshua Osih a été formel lors de son récent meeting à Mbouda dans la région de l’Ouest. « Le candidat du SDF ne s’alignera derrière aucun autre leader ». De son côté, Akere Muna fait savoir que « les négociations se poursuivent avec tout le monde ». Sauf que le Pr Mathias Eric Owona Nguini est formel. « La candidature unique des formations et des forces d’opposition n’est pas possible depuis bien longtemps. Il est clair qu’il y aura plusieurs candidats pour représenter les partis d’opposition à cette élection présidentielle », soutient ce dernier. Et donc, « Les coalitions sont essentiellement fragiles », martèle l’éminent universitaire.
Or, dans les années 1990, non seulement les mouvements étaient structurés et bien organisés, mais ils bénéficiaient d’importants relais politiques, sociaux et médiatiques, tout en étant portés par un espoir. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et les camerounais se désintéressent davantage de cette opposition orpheline de ses leaders historiques. Apparus dans l’euphorie du retour au multipartisme, ils n’occupent plus le terrain. Surnommé « Suffer Don Finish » (« Fini la souffrance », en pidgin) dans les milieux populaires, le parti de Ni John Fru Ndi a perdu de son aura. Et les accusations d’autoritarisme dont Fru Ndi est l’objet, les dissidences répétées, ainsi que le rapprochement avec Paul Biya ont fini par le décrédibiliser aux yeux de nombre de Camerounais.
Certains opposants ont survécu en ralliant les différents gouvernements Biya. C’est le cas d’Issa Tchiroma Bakary. Issu des rangs du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), il cumule les casquettes de ministre de la Communication et de porte-parole du gouvernement. Ou encore de Bello Bouba Maïgari, de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), qui détient le portefeuille du Tourisme et des Loisirs. Affaiblie face à un pouvoir puissant, l’opposition est éparpillée en centaines de formations sans assise, sans moyen de survie, et qui s’isole plutôt que de s’organiser pour faire face dans les urnes, au président sortant Paul Biya qui brigue lui aussi, un autre septennat.
Même si une nouvelle génération d’opposants tente de rebâtir sa crédibilité et de la faire apparaître comme une vraie alternative, le combat semble perdu d’avance. De nombreuses autres formations n’ont même pas de représentativité, leur visibilité étant davantage médiatique. C’est le cas du Manidem.