Dérives au front. Le suivi psychologique renforcé
L’aboutissement de l’enquête initiée par le Chef de l’Etat par ailleurs Chef supérieur des Armées et la mise aux arrêts de sept militaires, laisse sourdre une autre problématique très peu évoquée, celle du suivi psychologique de nos troupes au front.
Charles ABEGA
L’intensité des faits découverts lors du visionnage de la vidéo tournée par les jeunes soldats a laissé plus d’un sans mots et surtout, suscité une grande vague d’interrogations. Des interrogations portant certainement déjà sur ce qui pourrait rester d’humain à des jeunes plein d’avenir mais qui, subitement, se retrouve sur une scène aussi violente et brutale que celle du front. Surtout que dans le cas de Boko Haram et même aujourd’hui des séparatistes de la partie anglophone du Cameroun, vous avez en face des forces républicaines, de véritables bouchers qui dépècent, violent, rançonnent, avec une froideur des plus déconcertantes, puis s’en vantent via des publications véhiculées sur les réseaux et médias sociaux. C’est un peu la course à qui commettrait les plus « belles » horreurs. On égorge, dissèque, torture à mort, juste pour le plaisir personnel et le désir de répandre la terreur.
Loin de vouloir se prêter au même jeu, les éléments des Forces de Défense et de Sécurité du Cameroun essaient de se contenir malgré ces images dénaturantes, déshumanisantes, qui heurtent toute sensibilité, fusse-t-elle celle du militaire, surtout quand il reconnait sur ces images abjectes, un camarade qui part en pièces, au rythme des coups de machettes de ces chevaliers de l’enfer, jusqu’au dernier souffle. Pour les plus sensibles, il pourrait devenir difficile de contrôler longtemps leur émotivité en présence des captifs qu’ils feraient de l’autre camp. Il pourrait de manière quasi naturelle, manifester « l’envie de se libérer », de laver l’honneur de tous les soldats qui ont perdu brutalement la vie dans cette sauvagerie, en nettoyant aveuglément et sommairement tous ceux qu’ils jugeraient coupables même de coalition avec l’ennemi.
Sinon comment justifier que de jeunes Camerounais, volontaires pour défendre la Nation, décident un beau matin de s’en prendre à de pauvres femmes et à leurs petits enfants ? Plus de mettre en ligne ces exécutions sommaires ? On ne peut y voir que l’envie certes puérile, de renvoyer à l’ennemi et à tous les « collabos », un message des plus forts. Il faut également reconnaître ici que dans leur contexte, ils ne disposent guère de beaucoup de temps pour se repasser des notions de sociologie ou de psychologie de la guerre. La réalité est très vive et le temps d’appréciation est ce dont on dispose toujours le moins. Le Mindef a donc décidé à la dernière réunion sécuritaire de travailler à entourer un peu plus les soldats au front afin que l’armée camerounaise reste un exemple en matière de respect des normes internationales en temps de guerre.